Issue de Rue 89, le texte (ci dessous) me parait très intéressant; En tout cas, il suscite la réflexion.Les manifestations solidaires de Charly Hebdo, les innombrables marques se sympathie venant souvent de l'extérieur laisseront des traces très positives.( A quel prix !). La France fut, est, et restera à n'en pas douter, le pays des droits de l'homme. Et il faut s'en féliciter. Pour autant, comme je l'avais déjà dit, le temps de la réflexion est venu, ainsi que celui des questions. Parmi, celles ci, une me parait très importante: " Les manifestants étaient-ils tous animés par les mêmes motivations ?" Très sincèrement, je ne le pense pas. Certes, unanimement,ils ont condamné ces crimes odieux relevant de la barbarerie la plus extrême. Pour autant, il semble que des divergences notoires de points de vue existent au sujet des caricatures. J'ai personnellement de nombreux amis faisant partie de la communauté musulmane et je crois trahir personne en disant que certains n'apprécient pas que le prophète soit ainsi " caricaturé". Celles et ceux avec qui j'ai pu échanger s'expriment, globalement, de la manière suivante: " Nous, on est Français et fiers de l'être, on respecte la loi, mais on ne comprend pas l'utilité de moquer et de caricaturer le prophète. Nos parents et grands parents ont travaillé pour la France, certains ont versé leur sang, on a droit au respect" ( Bien sûr, je ne fais que retranscrire des propos qui n'ont pas été textuellement exprimés de cette manière).
Personnellement, ayant toute ma vie milité pour la cause laïque dans différentes oeuvres, je sais qu' en France le délit de blasphème n'existe pas , grâce aux lois relatives à la séparation de l' Eglise et de l' Etat.Je pense aussi que les journalistes de Charly Hebdo ont tout à fait eu raison de répondre sur le même ton que celui qui fit tant scandale il y a quelques années, car s'ils ne l'avaient pas fait, c'eût été donner raison aux barbares et leur montrer que l'on les craignait. Pour autant, jusqu'où peut on aller ? ( je dis "on" , car une multitude de médias ont reproduit cette caricature, y compris, en toute modestie, celui que vous êtes en train de lire). Par ailleurs, il est écrit nulle part dans le CORAN que reproduire l'image du prophète est interdit. Voir ci dessous l'article issu de Rue 89:
S’il existe des représentations du prophète même dans les milieux musulmans, pourquoi les dessins de Charlie Hebdo continuent-ils de choquer ?
Une interdiction non inscrite dans le Coran
L’islam se réclame d’une religion sans images. Mais contrairement à ce qu’on laisse croire, le Coran ne contient aucune condamnation formelle des représentations. C’est certainement pour cette raison que les chiites n’ont aucun scrupule à le faire.
L’interdiction générale de représenter les vivants est imposée après la mort de Mahomet, certainement dans le but de lutter contre l’idolâtrie. Il ne faut pas oublier que l’islam est né dans un contexte païen et que le retour vers le polythéisme constitue une hantise dans les premiers siècles de son développement.
De ce fait, les hadith, qui sont des textes rapportant les actes ou propos du prophète, vont servir de base pour instaurer la règle de la non-représentation du vivant. Par exemple, un passage du hadith avertit qu’au dernier jour, celui de la Résurrection et du Jugement dernier, celui qui se sera risqué à représenter des êtres vivants sera sommé par Dieu d’insuffler la vie à ces formes ; et comme il se montrera bien sûr incapable de relever le défi, il sera, pour l’éternité sans doute, la risée universelle.
Ainsi, très vite, la fabrication d’images fut considérée comme l’une des fautes les plus graves qui soit. Vers 695, sur les monnaies en usage dans le monde arabe, les portraits des souverains sont remplacés par des inscriptions à tendance abstraite. De même, en 721, le calife Yazid II (720-724) donne l’ordre d’enlever des bâtiments publics toute représentation d’être vivant, y compris à l’intérieur des églises. Mais au fil des siècles, et selon les espaces, l’interdit est de moins en moins respecté si bien qu’on assiste à des images de Mahomet dans les miniatures persanes et même sur des tapis.
Une miniature célèbre représentant Muhammad et les traits de son visage, extraite de l’ouvrage d’al-Bîrûnî, al-Âthâr al-bâqiya, Iran, XVIe siècle (Paris, BNF, manuscrits orientaux, Arabe 1489, fol. 5v)
De son vivant, le prophète a parfois montré l’exemple de la tolérance à exercer envers certaines images. On en veut pour preuve ce passage rapporté par l’éminent théologien, islamologue et universitaire qatari d’origine égyptienneYûsuf Al-Qaradâwî :
« Dans la plus ancienne des chroniques consacrées à l’histoire de La Mecque qui nous soit parvenue, l’auteur [...] rapporte un fait d’une importance historique considérable [...]. Après l’entrée triomphale des troupes musulmanes dans La Mecque, le Prophète pénétra dans l’édifice cubique de la Kaaba, que lui et ses compagnons trouvèrent couverte de peintures. Le Prophète donna l’ordre de les effacer à l’exception de l’une d’elles, exécutée sur un pilier, qui représentait Marie et Jésus. Un tel geste s’explique fort naturellement par le respect qui entoure Marie dans l’islam. Une sourate entière, qui porte son nom (sour. XIX) lui est consacrée dans le Coran. Jésus, l’avant-dernier prophète avant Muhammad, est lui-même l’objet d’une véritable vénération [...]. Mais le geste du Prophète démontre aussi que la présence d’une image figurative, fût-ce d’une icône de la “Vierge à l’Enfant”, n’avait rien de scandaleux à ses yeux5 . »
Une confusion de base
Alors pourquoi autant de tensions depuis l’affaire des caricatures de Mahomet(septembre 2005) à laquelle a pris part Charlie Hebdo ?
Il y a une confusion qu’il faut relever. Pour beaucoup de musulmans, surtout les sunnites (la branche la plus importante), chez qui la règle de non-représentation des êtres est plus respectée, c’est la simple représentation du prophète qui pose problème. « On n’a pas le droit de représenter le prophète », a t-on souvent entendu. Ce qui veut dire que les représentations non satiriques mêmes posent problème et sont considérées par certaines personnes de confession musulmane comme un blasphème.
Aux yeux des musulmans, le prophète bénéficie d’un caractère sacré si bien qu’une atteinte à son image est jugée irrévérencieuse. Dans ce cas, protester de manière légale contre les représentations du prophète à caractère outrageux est légitime au nom de la liberté de conscience. Mais dans les cas de représentations non caustiques de Mahomet comme cela semble le cas avec la dernière une de Charlie Hebdo, pourquoi autant de remous ? Dans quelle mesure les préceptes de l’islam s’appliquent-ils à d’autres qui ne se réclament pas de cette confession ?
Dans les milieux musulmans français, beaucoup de voix se lèvent actuellement pour appeler à la distinction de ce qui relève des règles religieuses qui ne concernent que les adeptes et ce qui appartient au droit français. Dans l’affaire des caricatures du prophète, il est légitime de se demander jusqu’où peut aller la liberté d’expression. Sauf en Alsace et Moselle, le droit français ne reconnaît pas le blasphème, mais il condamne l’incitation à la haine ou à la violence en raison de la religion (art. 24), ou la diffamation contre un groupe religieux (art. 32). Où est la limite ?
Oui, où est la limite ? Nous avons le privilège de vivre dans un pays très avancé pour tout ce qui concerne les libertés fondamentales. Notre " laïcité" est quasi unique aux monde. Je fais partie d'une association humaniste dont la laïcité est l'un des principes fondateurs. Nous avons de nombreux contacts avec des Belges qui adhèrent à la même association. Quand on les rencontre ,ils n'hésitent pas à dire à quel point ils envient notre laïcité. Oui, notre laïcité est à chérir et à préserver, elle implique le respect des autres pensées.....Y compris des religions.......D'ailleurs, le fait d'être laïque implique nullement l'athéisme. Tout cela est question de choix personnel. Comme j'ai pu le dire par ailleurs, les journalistes de " Charie Hebdo" sont de véritables militants de la laïcité.... et il faut les respecter en tant que tels. Pour autant, notre monde est en pleine mutation. Est-il interdit de se poser la question de savoir pourquoi, ce qui nous semble normal à nous Français ( et encore pas tous) est incroyable pour des milliards d'êtres humains ? Est-il impossible de faire un effort de décentration ?
Personnellement, je n'ai pas de réponse, sauf que je considère que le doute est une vertu et je me méfie énormément de celles et ceux qui, sur tout, ou presque tout, ont des certitudes !
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