Mesdames, Messieurs, Chers Collègues, Chers Amis,
Comment expliquer que 92 ans plus tard, alors qu’ont disparu ses derniers survivants, la Grande Guerre conserve une telle résonance en France, et cela même, si certains voudraient bien transformer le 11 Novembre en une journée de célébration de l’amitié franco-allemande ?
Comment expliquer qu'aucune autre date de l'histoire de France ne soit aussi chargée de symboles et d’exigences pacifistes que le 11 Novembre ?
C'est le Général De Gaulle qui disait en 1968, le jour anniversaire de l’Armistice : " un demi-siècle s'est écoulé sans que le drame de la Grande Guerre se soit effacé de l'âme et du corps des nations et tout d'abord de la nôtre "…
Il n'est pas de nation qui ait participé à cette guerre et qui n'en ait été profondément et durablement éprouvée…Mais pour la France, théâtre principal des combats, la blessure fut béante…
La guerre y a laissé son empreinte dans les campagnes, les villes, les corps et les esprits.
Il suffit d’aller à Verdun, sur le Chemin des Dames ou sur la crête de Vimy pour y voir la marque de la Grande Guerre, indélébile d’abord dans le paysage. De 1920 à 1925, 30.000 monuments aux morts ont été dressés partout, dans les moindres recoins du pays de France. Simples stèles ou œuvres monumentales réalisées par des sculpteurs, elles sont de toutes tailles, de tous styles, au cœur de nos lieux de vie, souvent au centre de nos places; elles ne sont jamais abandonnées…
D'innombrables plaques furent aussi apposées dans les églises, les temples, les synagogues, de nombreux lieux publics…De grands ossuaires furent édifiés…
Le paysage fut longtemps marqué par " la zone rouge ", cette terrible balafre qui traversait la France de la Mer du Nord à la Suisse. Truffée d'obus et de restes humains, cette zone était considérée comme inutilisable pour toujours.
Des villages entiers y avaient alors disparu, jamais reconstruits, " Morts pour la France ".
Progressivement reconquise par la forêt et l'agriculture, la zone rouge livre encore des tonnes de munitions à l'occasion de grands chantiers, à l’exemple de celui du TGV, il n’y a pas si longtemps…
Plus tenaces sont et doivent continuer d'être les marques laissées dans notre mémoire collective, car la mort et la douleur furent inscrites dans les profondeurs de la société française : 1 million 300 000 morts, 1 million d'invalides et des millions de blessés, 600 000 veuves, 700 000 orphelins, 300 000 mutilés et des sans-abris par millions également. Et on le sait bien, particulièrement dans notre région : les bombes et obus continuent de tuer aujourd'hui ceux qui, innocemment ou imprudemment, manipulent ces engins.
Dans cette guerre, toute la population fut impliquée et meurtrie. Les paysans d'abord, qui furent mobilisés en masse dans les combats des tranchées, pour défendre coûte que coûte quelques arpents de terre, une ligne, des collines. Et les ouvriers aussi, à qui il fut demandé de passer de l'artisanat à une véritable industrie pour fournir les équipements des armées.
Chaque famille fut touchée, toutes avaient un ou plusieurs combattants au front.
La Grande Guerre a bouleversé la société française et a concouru - à quel prix ! - à l'émergence d'une société industrielle.
Jamais notre pays n'avait porté aussi haut le sentiment national et en même temps l'exigence que les peuples devaient désormais intervenir pour empêcher le retour de pareils crimes contre l'humanité.
Ce sont les anciens combattants qui ont imposé aux pouvoirs publics la commémoration de la fin des combats le 11 novembre. Dans la conscience collective, l'exaltation du patriotisme cédait le pas au mot d'ordre " plus jamais ça !" et au respect de la vie humaine.
Chacun savait que la violence n'avait pas été anonyme et que l'on trouvait à son origine les mécanismes de la concurrence impérialiste et de la surenchère nationaliste.
La fin des combats et la victoire sur l'invasion furent certes le fait d'une coalition dans laquelle s'engagèrent britanniques et américains. Mais elles furent surtout le fait de la résistance héroïque d'un peuple.
Nos institutions républicaines parlementaires s'étaient révélées souples dans leur fonctionnement, notre économie pourtant arriérée et semi-artisanale avait su s'imposer à l'une des premières économies industrielles de l'époque.
Notre peuple plus réputé pour son art de vivre que pour ses vertus guerrières avait su faire face, au prix de sacrifices et de souffrances indicibles.
La génération de 14-18 est éteinte aujourd'hui, mais nous, nous sommes là, avec Hennium et les sociétés patriotiques que je salue et que je remercie chaleureusement pour leur fidélité, avec les enfants des écoles, leurs maîtres et maîtresses.
Nous sommes là pour dire la nécessité et le devoir de mémoire, mais aussi pour appeler à la vigilance, à la responsabilité et à la Paix dans un monde respectueux de la vie humaine, où l'urgence est celle de se battre contre l'injustice, le mépris et l'intolérance, quelles qu'en soient les formes.
Je vous remercie.
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