Face aux attaques remettant en cause le sérieux de son programme économique, Marine Le Pen rétorque généralement que des économistes reconnus ont participé à sa rédaction. Pourtant, lorsqu'il s'agit de les présenter ou de donner des noms, on ressent comme un léger malaise...
Marine Le Pen a convié ce vendredi une vingtaine de journalistes à un "petit-déjeuner de travail" afin de présenter "les grandes orientations économique" du programme frontiste pour 2012. Régulièrement attaquée sur la crédibilité de ce programme - dont le pilier est la sortie de la zone euro -, la présidente du FN planté le décor dans son discours d'introduction: "Nous menons nos travaux en nous appuyant sur les analyses d'experts et les échanges que nous avons avec des économistes", a-t-elle déclaré. Et d'ajouter: "Les grands axes que nous allons vous présenter aujourd'hui sont le fruit d'un travail réalisé en interne par l'équipe des conseillers économiques qui m'entourent."
Frémissements dans la salle.
Va-t-on enfin connaître l'identité de ces fameux "cerveaux" censés faire du FN un parti de gouvernement?
Eh bien non. Adrien (un pseudonyme), ce haut fonctionnaire énarque de Bercy dont Le Parisien a révélé l'existence vendredi, n'était finalement pas là, retenu par des "obligations professionnelles". C'est donc à François (également un pseudo), "économiste dans une institution financière privée", à qui est revenu le rôle de présentateur des propositions. Il était soutenu dans sa présentation par Nicolas Papillon (le mystère reste entier autour de cette personne), et Jean-Richard Sulzer (enfin un vrai nom). Ce dernier est professeur d'économie à Dauphine. Il est surtout élu FN dans le Nord-Pas-de-Calais. Cela rend le "coming out" plus facile.
Pour pallier l'anonymat de ses conseillers, Marine Le Pen a enrôlé des observateurs reconnus de l'économie française... sans leur demander leur avis.
"De nombreux éminents économistes français rejoignent notre diagnostic sur l'agonie de l'euro", a-t-elle indiqué. Et de citer Jacques Sapir, directeur d'études à l'Ehess qui plaide pour un protectionnisme ciblé, Alain Cotta, professeur d'économie à HEC, Christian Saint-Etienne du Conseil d'analyse économique ou encore Jean-Luc Gréau, ancien économiste au Medef.
Problème: ceux-ci, contactés par le Parisien, sont loin de partager les vues du FN.
Patrick Artus, directeur de la recherche économique de la banque Natixis, a lui été cité pendant la conférence pour une étude publiée en mars sur "les gains pour la France d'une dévaluation de sa monnaie". "Nous avons publié une étude qui indique qu'une politique de change plus flexible rend les ajustements compétitifs plus faciles, mais que ce n'est pas possible en zone euro et qu'il faut donc y remédier en renforçant le fédéralisme budgétaire européen", explique à L'Expansion.com un proche collaborateur de Patrick Artus.
Mais au-delà du sceau des économistes, ce qui manque vraiment au programme frontiste pour être crédible, ce sont des propositions crédibles, et chiffrées.
Les modalités de sorties de la zone euro sont claires, ses conséquences positives louées mais ses effets potentiellement néfastes sont totalement niés.
Le FN promet également de réindustrialiser la France. Comment? On ne le sait pas.
Il veut bâtir un Etat fort, assure qu'il n'y aura pas de coupes dans les dépenses sociales et promet des hausses de salaires, affirme vouloir ramener à 40 ans (contre 42 ans et demi actuellement) la durée de cotisation pour les retraites, le tout en réduisant les déficits et la dette. Problème: aucune de ces dépenses budgétaires n'est chiffrée. Pas plus que ne sont détaillées les recettes qui financeront ce programme.
Marine Le Pen a précisé vendredi que les "détails" de ce programme économique seront développés et précisés d'ici à la présidentielle lors de conférences de presse thématiques. "C'est un projet économique et social achevé que nous proposerons", promet la présidente du FN.
L'expansion.com
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